11. Le lac bleu au Qaïdam. Chemin vers monastères tibétain en 1.900

27. Le lac bleu

Le Lac bleu où Tsybirov s’arrêta pour une étape

Nous sommes le 2 mai 1900. Tsybikov a atteint le Lac bleu. Voici un extrait de son récit : « Après avoir emprunté un col qui traverse la haute chaîne de l’Altan Sorghu nous avons aperçu le Lac Kokonor du haut d’une petite montagne. Dans la journée nous avons parcouru une trentaine de kilomètres et nous nous sommes arrêtés près d’une forteresse chinoise située sur la rive droite de la rivière Ar gol qui se jette dans le Kokonor. Cette construction a été édifiée, dit-on au moment des troubles qui ont lieu dans le Kokonor au milieu du XVIIIème siècle. A l’heure actuelle, elle est réduite en muraille abandonnées en briques. La diète des chefs tangut s’y réunit toutefois quand le fonctionnaire (tun shi) envoyé par le haut commissaire (amban) chinois vient ici pour s’informer des problèmes. Et, le 2 mai , nous avons longé la rivière vers l’aval et nous avons passé la nuit sur la berge après environ 25 kilomètres.

Le 3 mai, nous avons franchi près de 40 kilomètres et fait halte pour la nuit à deux kilomètres des bords du Lac bleu appellé le Kokonor en mongol (Khökh nuur/ Köke naghur) ; il s’appelle Qinghaî en chinois et Tso ngönpo en tibétain (Tso ombbo dans la langue parlée) et ces trois noms signifie Lac bleu en raison de la belle couleur bleue de l’eau.

Situation géographique du Lac bleu (map’s google)

27. Le lac bleu

Il parcoure encore 25 kms pour se trouver face à l’île montagneuse qui se trouve au milieu du Lac bleu. Un petit monastère s’y trouve sur cette île où vivent cinq à six lamas. Ce n’est qu’en hiver lorsque le  tlac est gelé qu’ils s’approvisionnent chez les habitants des environs et ce, jusqu’à l’hiver suivant car ils ne possèdent pas de barque. Puis, le 6 mai, il parcoure encore 30 kms et le 7 mai, 35 kms il rencontre, pour la première fois un troupeau d’hémiones appellé kyang en tibétain, khulan ou hikhtei (grandes oreilles) en mongol.

27. Le lac bleu

Les hémiones

Le 8 mai, il s’est écarté avec son convoi du Lac bleu pour prendre la direction nord ouest vers le pays des Mongols du haut. 35 kms, ce jour-là en pénétrant dans la vallée de la rivière Bukhyn gol (« la rivière du Yak sauvage) et ils ont fait halte au pied de la montagne juste sous le col après 25 kms le 9 mai. Puis le lendemain, ils ont traversé une steppe en direction du nord-est à partir du lac salé Davs nur (Tsamtso en tibétain) et ils se sont arrêtés après avoir parcouru 35 kms en entrant dans les terres  des Tangut de Kokonor connu pour le brigandage. Leur tribu est Myag ou Amdowa  et Pöpa en tibétain. Ils ont récité des prières : le lama Cheshö de Kumbum était chef de caravane et se rendait à Lhassa pour y chercher son maître qui y réside. Son intendant connaissait très bien la route pour se rendre à Lhassa. Le sel extrait du lac salé  est transporté en grandes quantités dans la ville de Donkhor et ce par les Tangut.

Le 11 mai, ils entrent, après avoir franchi une grande chaîne montagneuse, dans la vallée de Sharga et parcourent environ 35 kms. Une journée de repos le 12 et puis le 13 mai 1900, ils passent à côté d’un monastère de Dulaan Khiid qui appartient au prince du Qinhaï que les mongols appellent Qinhaï wang. Ce monastère est construit dans la tradition du Tsaïdam : au centre un hall d’assemblée avec une enceinte de terre, près duquel se rassemble une dizaine de maisons misérable en pisé là où réside sans cesse l’abbé très révéré par les Tangut.

A côté de ce monastère, il y a des forêts de conifères assez touffues où est pratiqué la menuiserie. Ainsi les habitants jouissent de meubles en bois. La vaisselle est faite en genévrier (upinerus pseudosabina) dont les aiguilles parfumées servent d’encens à brûler face aux bouddhas.

27. Le lac bleu

Genévrier

27. Le lac bleu

Ils logèrent un peu en dessous du monastère n’ayant fait que quinze kms et le lendemain le 14 mai, ils ont repris une petite route passant juste à côté des restes d’une ville dont la fondation  fut attribuée par la légende à Tsogt Khan. Il y eut une bataille et les murailles dont il ne reste que très peu sont appellées « Ville de Tsogt Khan« . Les stupas construites y sont délabrées.

Ils passèrent la nuit dans un endroit désert appellé Dam Namak ayant parcouru vingt cinq kms. Ils laissèrent à leur gauche le har nuur, à droite le lac salé de Serku qui fait partie des territoiresde Khükhee beile. A l’est, les restes d’un village de Khükheedei baishin détruit par des émeutes des Hui.Le 15 mai la caravane atteint le lieu appellé Dalan Türgen.

27. Le lac bleu

Lac salé du Qaïdam tou Tsaïdam

Le 16 et 17 mai, ils restèrent à Ergitsé  ou Ergitsegül. Ils se trouvaient déjà dans le Tsaïdam (en tibétain tswa-‘dam qui signifie marais salé ou boue salée.

Pour éviter la boue et les marécages, le 18 mai, ils ont pris une route plus à l’est. Au bout de 35 kms ils ont atteint la rivière Shar gol pour faire une halte sous les tamaris. Après une route de 15 kms environ, ils se sont arrêtés au bord de la rivière Bayan Gol. Les indigènes ont parlé des russes en faisant allusion à l’expédition Kozlov et du « général au gros ventre » Nikolaï Prjevalski, ainsi que de nombreux autres voyages européens. Ils ont un certain respect pour les russes.

Partie désertique du Thaïdam

Bassin du Qaïdam au Tibet.

Il existe de par cet endroit deux routes principales pour se rendre du Tsaïdam (ou Qaidam) au Tibet central : la première passe par le col de Burkhan buudai, la deuxième parle Naiji. La première part de la bannière de Baruun shasag, l’autre de la bannière de Taizhnar. Ce fut la seconde qui fut choisie en raison des herbages abondants et moins de route dans une partie désertique du plateau tibétain septentrional.

Kozlov P.K. 1908. Karl Bulla.jpg

Attardons nous un peu sur Piotr Kouzmitch (1863-1935) qui fut un militaire russe qui ramena beaucoup de vestiges anciens de la région que visite Tsybikov bien après lui. Nous remarquons en effet que ce personnage fut surtout connu pour avoir explorer cette région et ramené des objets datant de plus de 2.000 ans ! Voyons cela dans une biographie que voici :

Bien que destiné par ses parents à une carrière militaire, sa rencontre avec Prjevalski est déterminante et il choisit de le suivre dans ses expéditions en Asie centrale. Après la mort de son mentor, il continuera ses voyages en Asie sous la direction de ses successeurs Pevtsov et Roborovski. En 1895, il est amené à remplacer Roborovski, souffrant, en cours d’expédition. De 1899 à 1901, il explore puis décrit plus tard dans un ouvrage, le cours supérieur du fleuve jaune, du Yang-tsé-Kiang et du Mékong. 

Au début des années 1900,  Kozlov est en compétition avec Sven Hedin et Aurel Stein pour l’exploration du Xinjiang. Bien qu’il soit en bons termes avec Hedin et les autres explorateurs étrangers, le gouvernement britannique, représenté par le consul à Kachgar,  George Macartney, surveille ses déplacements en Asie centrale. En 1905, la rencontre de Kozlov et du 13ème dalaï lama à Ourga donne « des sueurs froides au War Office britannique » (Wendy Palace, The British Empire and Tibet, 1900-1922, Routledge, 2005).

Au cours de l’expédition de 1907-1909, Kozlov explore le désert de Gobi et découvre les ruines de Khara-Khoto, ville tangoute  vaincue par la Chine de la dynastie Ming  en 1372, puis abandonnée.

 Les ruines de Khara-Khoto, ville tangoute

Les fouilles entreprises lui prennent plusieurs années et il ramène à Saint-Pétersbourg pas moins de 2 000 livres en langue tangoute  découverts sur le site. Kozlov a décrit ses découvertes dans un ouvrage volumineux intitulé La Mongolie, l’Amdo et la ville morte de Khara-Khoto (1923).

Amdo
Amdo en tibétain

« L’Amdo (tibétain :  amdo) est l’une des trois anciennes provinces ou régions du  Tibet les autres étant l’Ü-Tsang et le Kham. 

La conception de la division en trois régions que seraient l’Ü-Tsang, l’Amdo et le Kham est une conception très récente des Tibétains en exil, les trois divisions auparavant était le Ngari Korsum, l’Ü-Tsang et le Dokham  (comprenant l’Amdo et le Kham).

L’Amdo est situé dans le nord-est du Tibet, et englobe la majeure partie de la province du Qinghai , ainsi que des régions plus petites, mais culturellement importantes, dans les provinces du Gansu et du Sichuan.

Les populations, souvent isolées les unes des autres, y parlent des dialectes variés du tibétain.

C’est dans l’Amdo que sont nés TSONGKHAPA (1357-1419), l’actuel dalaï-lama Tensin Gyatso  (1935 – ) et le 10e panchem-lama Choekyi Gyaltsen (1938 – 1989).

Amdo (Do-May), qui signifie « le pays des chevaux », est situé au nord-est du Tibet, par delà le Yangtsé. Avec le Tibet central, l’U-Tsang, « le pays du dharma », et le Kham (Do-toe), « le pays du peuple », il appartient au Tibet. À l’instar d’autres zones frontalières, l’Amdo a connu dans son histoire nombre de vicissitudes. Avant le VIIème siècle, il était exclusivement peuplé de Tibétains. L’Amdo est la région où les tibétologues situent généralement l’origine ethnique des Tibétains.

Après le milieu du xviie siècle, l’Amdo fut dirigé par des rois (gyalpos) indépendants et des seigneurs de la guerre souvent soutenus par la Chine ».

Sa dernière expédition au Tibet et en Mongolie (1923-1926) a permis la découverte d’un nombre sans précédent de tombes Xiongnu (kourganes)  à Noïn-Oula. Après avoir rapporté à Saint-Pétersbourg des échantillons de tissus de Bactriane  datés de plus de 2 000 ans, Kozlov cesse toute activité scientifique et se retire à Peterhof, ville proche de Leningrad  où il meurt en 1935.

Shadzong Ritro en Amdo

Shadzong Ritro, un ermitage Geluk situé dans la région de Tsongkha à Amdo et situé sur un versant d’Amnye Chi Ri, est l’un des quatre sites de méditation majeurs d’Amdo. Il a été fondé au XIIe siècle. La légende dit que Faxian (337-422) a séjourné à cet endroit lors d’un voyage en Inde.Le IVème Karmapa est resté sur le site et aurait prophétisé la naissance de Tsongkhapa,  qui a prononcé ses vœux de novice ici à l’âge de trois ans. L’ermitage a été étendu avec le temps et en 1383, une salle de temple et un stupa ont été construits pour commémorer le quatrième Karmapa. Le site a été partiellement détruit pendant la révolution culturelle. En 1999, il y avait quatre moines à l’ermitage.

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Shadzong Ritro en Amdo

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Amdo (constatons l’architecture remarquable de ce lieu !) Il s’agit du Monastère de Labrang 

L’inscription de Rabatak trouvé dans le Bactriane. Nous découvrons ceci tandis que l’on ne trouve pas les tissus de Bactriane exposés et pourtant ramener par ce militaire russe en Russie et datant de plus de 2.000 ans.

Nous voilà au coeur d’une grande aventure avec ces explorateurs des années 1900, il reste beaucoup de secret autout du « tissu de Bactriane » et de cette civilisation. Déjà, des connaissances importantes jaillirent de tous ces voyages entreprit par de nombreux voyageurs ou espions, ou aventuriers. Le mystère semble demeuré mais certainement pas pour tout le monde. Nous ne pouvons pour l’instant nous y attardons car notre quête est autre actuellement. Néanmoins voici une tombe Xiongnu  trouvée par Piotr Kouzmitch. Cliquez ICI  et sur l’image. Pour celui qui veut investiguer, je pense que ceci en vaut réellement la peine. 

27. Le lac bleu au Qaïdam

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